Effet placebo : comment nos attentes modifient notre perception de la douleur



L’effet placebo et son pendant l’effet nocebo ne sont pas des illusions. Il s’agit de vraies réponses neurobiologiques, capables de modifier notre perception de la douleur. Le chercheur Florian Chouchou explique pourquoi ces phénomènes sont devenus des sujets d’étude de premier ordre.



Le terme placebo est souvent utilisé de façon négative, notamment pour parler de l’inefficacité d’un médicament. Lors d’un essai clinique, on cherche ainsi à montrer que le médicament testé possède un effet propre et que son efficacité ne repose pas sur le fameux « effet placebo ». Pourtant, ce phénomène est « une réponse biologique bien réelle, assure Florian Chouchou, chercheur au sein de l’unité de recherche NeuroPain du Centre de recherche en neurosciences de Lyon. Il participe à part entière à l’efficacité thérapeutique globale d’un traitement. » C’est en tout cas ce que révèlent plusieurs études menées ces dernières années.

Nous ne sommes pas égaux devant l’effet placebo

L’effet placebo est connu de longue date : dès 1955, Henry Beecher a montré l’existence d’un phénomène induisant un soulagement de la douleur chez 35% des patients en moyenne [1]. Comment cela fonctionne-t-il ? Le bénéfice clinique du placebo résulte du contexte qui entoure la prise de médicament.

« Il existe en effet un rituel autour du soin, qui peut s’apparenter à un conditionnement, explique Florian Chouchou : la maladie nous mène chez le médecin, le médecin prescrit un traitement, et ce traitement aboutit à un soulagement. » A cela s’ajoutent les remarques du médecin, qui suggèrent que le traitement administré procurera un soulagement au patient.

Etymologie

    Le terme placebo signifie « je plairai » en latin. Il a été choisi pour indiquer que l’effet se fait au bénéfice du patient. Le terme nocebo, désignant l’effet inverse, signifie « je nuirai », toujours en latin.

    Pourtant, nous ne sommes pas tous égaux devant cet effet placebo. « Si certains répondent de manière plus forte que d’autres, nous ne savons que peu de chose sur cette différence de réponse, explique Florian Chouchou. Plusieurs éléments ont toutefois été avancés : différences de personnalités – les tempéraments optimistes pourraient par exemple être plus sensibles à l’effet placebo – ou variations génétiques individuelles. »

    Quand le cerveau anticipe le soulagement de la douleur

    L’équipe d’Ulrike Bingel, en Angleterre, a ainsi étudié en IRM fonctionnelle imagerie par résonance magnétique, permettant de visualiser l’activité cérébrale imagerie par résonance magnétique, permettant de visualiser l’activité cérébrale la façon dont les attentes vis-à-vis d’un traitement analgésique modifient son efficacité [2]. Pour cela, on a injecté à des volontaires en bonne santé du rémifentanil, un analgésique très efficace, puis on leur a administré des stimulations entraînant une douleur modérée. L’effet du rémifentanil a été testé dans trois conditions :

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    Dans la condition où le volontaire s’attendait à une diminution de la douleur, les chercheurs ont observé une variation de l’activité cérébrale dans des régions impliquées dans le codage de l’intensité de la douleur : la preuve que l’effet placebo est associé à une réelle réponse cérébrale !

    L’expérience passée modifie la perception de la douleur

    Pendant de l’effet placebo, l’effet nocebo correspond à l’aggravation d’un symptôme à la suite de l’administration d’un traitement qui n’a pas d’activité propre sur la condition traitée. Il a également été mis en évidence par des chercheurs. Ainsi, dans une étude portant sur 45 patients, Nathalie André-Obadia, affiliée à l’unité Neuropain du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL), a comparé l’effet analgésique de la stimulation magnétique trans-crânienne méthode non-invasive et indolore qui permet de stimuler certaines régions du cerveau à l’aide d’une bobine magnétique méthode non-invasive et indolore qui permet de stimuler certaines régions du cerveau à l’aide d’une bobine magnétique avec une stimulation fictive [3]. Les séances fictives, ou placebo, pouvaient avoir lieu avant ou après les séances réelles.

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    Préparation pour la stimulation magnétique transcrânienne – © CNRS Photothèque – FRESILLON Cyril

    Quels ont été les résultats ? Lorsque les séances fictives avaient lieu avant les séances réelles, le ressenti des patients n’était pas modifié. En revanche, lorsque ces séances avaient lieu après une séance réelle, les chercheurs ont observé un résultat étonnant : l’effet obtenu était différent selon que la séance réelle avait ou non provoqué un soulagement de la douleur. Dans le premier cas, la séance fictive était associée elle aussi à une diminution de la douleur ; en revanche, si la séance réelle avait eu un résultat négatif, la séance fictive était associée à une sensation de douleur inchangée.

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    « Cet exemple montre à quel point l’expérience passée du patient joue sur la modulation de l’effet placebo », commente Florian Chouchou. « Mieux comprendre les mécanismes à l’origine de l’effet placebo, mais également ce qui explique les différences entre les individus pouvant présenter des réponses plus ou moins fortes à cet effet est aujourd’hui le point central des recherches. Les médecins pourraient ainsi utiliser ces informations pour soulager leurs patients d’une manière simple. »


    Pour aller plus loin

    1. Comment fonctionne l’effet placebo sur le site How stuff works
    2. Vidéo en anglais : « L’étrange pouvoir de l’effet placebo »

    Chercheur(s)

    Florian Chouchou

    Chercheur post-doctorant au sein de l’unité de recherche NeuroPain du Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL).

    Voir sa page

    Florian Chouchou

    Laboratoire

    NeuroPain, intégration centrale de la douleur

    L’unité de recherche NeuroPain étudie les bases cérébrales de l'expérience douloureuse, ses mécanismes et les traitements innovants comme la stimulation corticale. Différentes méthodes permettant d’étudier le cerveau sont utilisées comme l’électrophysiologie ou l’imagerie fonctionnelle.

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