Angela Sirigu : « Les études cliniques confirment l’action thérapeutique de l’ocytocine sur les patients autistes. »


Où en est-on de la compréhension de l’autisme ? Quelles pistes thérapeutiques sont envisagées aujourd’hui ? Directrice de l’Institut de sciences cognitives (ISC) Marc-Jeannerod à Lyon, Angela Sirigu répond à nos questions à la veille de la conférence qu’elle donne le mardi 23 mai au grand amphithéâtre de l’Université de Lyon.

Le rôle de l’ocytocine est bien connu : cette hormone, sécrétée dans le cerveau par l’hypothalamus, intervient dans l’accouchement, la lactation et la régulation des émotions. Depuis plusieurs années, on sait que les personnes atteintes de troubles du spectre autistique (TSA) présentent un déficit d’ocytocine dans le sang. L’équipe du Centre de neuroscience cognitive (devenu entretemps l’ISC) dirigée par Angela Sirigu a été une des premières à montrer, en 2010, que l’administration d’ocytocine par voie nasale améliorait significativement les capacités de patients autistes à interagir avec les autres. Depuis, plusieurs équipes de recherche à travers le monde étudient les effets thérapeutiques de l’ocytocine sur les troubles de socialisation. Des études cliniques sont notamment en cours aux Etats-Unis. Les résultats à mi-parcours sont très encourageants. De quoi faire naître d’immenses espoirs chez les parents d’enfants autistes. Angela Sirigu fait le point sur les dernières avancées de la recherche dans ce domaine.

Comment l’ocytocine agit-elle sur le comportement social des personnes autistes ?
Les résultats que nous avons rassemblés suggèrent que cette hormone augmente la sociabilité de l’individu à travers un double mécanisme. D’une part, en baissant le seuil de la peur et du stress provoqués par le contact social ; d’autre part, en favorisant l’émergence d’une conscience accrue de l’environnement social. Par ailleurs, nous avons découvert que l’ocytocine interagissait avec d’autres neurotransmetteurs pour moduler le comportement social. Notamment avec la sérotonine, qui est impliquée dans l’humeur et la dépression. Des études ont montré que les récepteurs de l’ocytocine et de la sérotonine étaient voisins. Nous cherchons maintenant à tracer les interactions entre ces deux neuromodulateurs.

La découverte de l’action thérapeutique de l’ocytocine a suscité de nombreux espoirs. Certains parents peuvent être tentés de se faire prescrire un spray nasal à l’ocytocine sans attendre les résultats des études cliniques. Est-ce dangereux ?
Il est compréhensible que certaines familles aient hâte de disposer de cette solution. Rappelons qu’à ce jour, le spray nasal à l’ocytocine n’est pas disponible en France. Cependant, avant que l’ocytocine soit recommandée comme traitement contre les troubles de comportement liés à l’autisme, il est nécessaire, comme pour tout médicament, de respecter un certain nombre d’étapes. Les études cliniques en cours visent à rassembler un nombre suffisant de données pour valider les bénéfices et la sécurité à long terme du traitement. En tout état de cause, les premiers résultats ne font pas apparaître d’effets secondaires liés à l’administration régulière d’ocytocine par voie nasale.

Vous présentez aujourd’hui une application permettant d’identifier les désordres de socialisation chez le jeune enfant. En quoi est-ce important ?
On constate que dans le domaine de l’autisme, la qualité du diagnostic est cruciale. Or nous manquons encore de critères pour différencier les TSA des autres troubles psychiatriques. Cela entraîne un certain nombre d’erreurs de diagnostic. Or on sait que plus la prise en charge des patients est précoce, plus leur état est susceptible de s’améliorer. L’application que nous avons développée avec l’aide du CNRS et de Pulsalys, l’accélérateur de transfert de technologies de Lyon-Saint-Etienne, permet de poser un diagnostic de manière simple et rapide à l’aide d’un simple tablette tactile. Elle repose sur un algorithme qui traite la façon dont le sujet explore l’environnement qui lui est proposé et présente le résultat sous la forme d’une carte attentionnelle. Elle sera mise gratuitement à la disposition des médecins dans quelques semaines.

Conférence : « Nouveau regards sur l’autisme »

Angela Sirigu donnera une conférence sur les dernières avancées sur l’autisme à la lumière des neurosciences le mardi 23 mai au Grand Amphi de l’Université de Lyon. Elle présentera à cette occasion le nouvel outil de diagnostic de l’autisme évoqué dans l’interview. La psychologue Anna Galiano interviendra quant à elle sur les ressemblances de comportement d’un enfant autiste et d’un enfant aveugle.

Informations pratiques

  • Mardi 23 mai de 18h30 à 20h30.
  • Grand Amphi de l’Université de lyon, 90 rue Pasteur, 69007 Lyon.
  • Accès : Tram T1 arrêt Quai Claude Bernard, Tram T2 arrêt Centre Berthelot.
  • Entrée libre et gratuite – interprètes LSF
  • Accès aux personnes à mobilité réduite – ouverture de la salle à 18h

Chercheur(s)

Angela Sirigu

Directrice de l’Institut de sciences cognitives (ISC) Marc-Jeannerod, chercheure CNRS en neuropsychologie et neuroscience cognitive, médaille d’argent du CNRS en 2013.

Voir sa page

Angela Sirigu

Laboratoire

Institut des sciences cognitives (ISC) Marc-Jeannerod

L'Institut des sciences cognitives Marc-Jeannerod rassemble six équipes pluridisciplinaires appartenant au CNRS et à l’Université Lyon. Elles travaillent sur le substrat et les mécanismes cérébraux à l'œuvre dans les processus sensoriels et cognitifs allant jusqu'à la cognition sociale. L’objectif est de relier les différents niveaux de compréhension du cerveau et de renforcer les échanges entre avancées conceptuelles fondamentales et défis cliniques.

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