Ce que la couleur d’une robe dit de notre cerveau


Blanc et or ou bleu et noir ? Si la couleur supposée d’une petite robe rayée a fait le buzz sur les réseaux sociaux fin février, c’est parce qu’elle a mis en évidence une fonction particulière de notre système visuel. Ken Knoblauch, spécialiste de la perception au sein de l’Institut de recherche sur la cellule souche et le cerveau (SBRI), nous explique comment le cerveau fonctionne pour nous donner une image cohérente de la réalité.


« Quelle est la couleur de cette robe ? » En posant cette question anodine, la bloggeuse qui a posté la photo d’une petite robe rayée sur le site Tumblr fin février ne se doutait pas du raz-de-marée qu’elle allait déclencher sur la Toile. Sa photo a généré pas moins de 73 millions de pages vues en quatre jours sur le site de microblogging Site permettant de partager des contenus courts (texte, photos, vidéos). Le plus connu des sites de microblogging est Twitter. Site permettant de partager des contenus courts (texte, photos, vidéos). Le plus connu des sites de microblogging est Twitter. .

Un contexte lumineux ambigu

A l’origine de ce buzz planétaire, une réponse équivoque à la question posée : certains internautes voient la robe bleu et noir tandis que d’autres, plus nombreux, la voient blanc et or. Comment expliquer ce phénomène ? « Il existe dans le cerveau un mécanisme appelé “ constance chromatique ”, qui permet de voir une couleur de manière plus ou moins constante, malgré les changements de contexte dans lequel elle est perçue », explique Kenneth Knoblauch, spécialiste de la vision des couleurs et des effets visuels à l’Institut des cellules souches et du cerveau. « Dans le cas de cette robe, l’image est perçue comme ambiguë par le cerveau car le contexte n’est pas clair, poursuit-il. Il doit alors choisir de voir la robe soit dans l’ombre, soit dans la lumière. » Perçue comme surexposée, la robe apparaîtra blanche ; perçue comme sous-exposée, elle apparaîtra bleue, comme le montre ce schéma publié par le New York Times.

crédit : NYT

crédit : NYT

Comment le cerveau interprète le contexte

La constance chromatique est un des aspects d’un mécanisme plus large utilisé par le cerveau pour percevoir les formes et les couleurs d’un objet quelles que soient les variations du contexte. En effet, en fonction de nos déplacements ou des variations de l’environnement, la luminosité et la distance des objets que nous voyons évoluent sans cesse. Si malgré cela, notre perception reste stable, c’est parce que notre cerveau s’adapte en interprétant le contexte. Dans le cas de la robe rayée, la forte ambiguïté du contexte explique le partage tranché des opinions sur sa couleur. « Ce phénomène a surpris tout le monde, y compris les scientifiques, poursuit Ken Knoblauch. La photo se situe à un point d’inflexion entre deux interprétations possibles, ce qui est rare. »

Une autre expérience troublante

Pour nous convaincre du pouvoir de ces interprétations, il nous suffit d’observer le Carré d’Adelson, une illusion d’optique crée en 1995 par Edward Adselson, chercheur à l’institut technologique du Massachusetts.

©1995, Edward H. Adelson

©1995, Edward H. Adelson

Aussi incroyable que cela puisse paraître, si l’on découpe les carreaux A et B de l’échiquier et qu’on les place côte à côté sur une feuille de papier blanc, ils apparaîtront de la même couleur. Pourtant, nous percevons le carreau A comme gris foncé et le carreau B comme blanc. L’explication ? L’ensemble des informations traitées par le cerveau pour son interprétation. Il sait premièrement qu’un damier est composé d’une alternance de cases foncées et de cases claires. A la place où se situe le carreau B dans l’échiquier, il devrait donc être clair et non gris foncé comme le carré A : notre cerveau intègre cet a priori. Deuxième élément, l’ombre projetée sur l’échiquier. Connaissant son effet assombrissant, notre cerveau effectue une correction en éclaircissant le carreau B. Enfin, le carreau A se situe au milieu de carreaux foncés, qui par contraste, le font paraître plus clair qu’il ne l’est réellement. Cumulés, ces trois facteurs créent l’illusion d’optique que nous observons. Surprenant, non ? Quant à la perception de Ken Knoblauch, elle contient un biais supplémentaire. Il est daltonien. Résultat : il ne perçoit la robe ni blanc et or ni bleu et noir… mais bleu et rouge !

Chercheur(s)

Kenneth Knoblauch

Membre de l’Institut de recherche sur la cellule souche et le cerveau (SBRI) à Lyon, Ken Knoblauch a beaucoup travaillé sur la vision. Au sein du SBRI, il s'intéresse à la modélisation des aspects structurels et fonctionnels du cerveau et du comportement. Il réalise notamment des analyses statistiques et théoriques (par graphes) des réseaux corticaux. S’agissant des aspects fonctionnels, il cherche à mesurer les réponses perceptives comportementales et à les mettre en relation avec les processus corticaux.

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Kenneth Knoblauch

Laboratoire

Institut de recherche cellule souche et cerveau (SBRI)

Le SBRI cherche à définir les caractéristiques du cortex humain, de son développement à l’organisation des réseaux neuronaux qui le composent et rendent possible les fonctions cognitives supérieures. Pour cela, il fait appel à de nombreuses disciplines : biologie cellulaire et moléculaire, neuroanatomie, neurophysiologie, psychophysique, comportement, psychologie expérimentale, neurocomputation, modélisation et robotique. Le SBRI est dirigé par Colette Dehay et Henry Kennedy.

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