Il y a quelques mois une équipe du laboratoire de neurosciences de Poitiers a obtenu des résultats permettant d’améliorer la greffe de neurones après une lésion cérébrale. Deux chercheurs du LabEx CORTEX, Florence Wianny (SBRI) et Edmund A. Derrington (institut Neuromyogène) font le point sur cette technique prometteuse.
Depuis quelques années, des chercheurs ont appris à greffer des neurones après une lésion cérébrale afin d’aider la zone endommagée à se réparer et à préserver son fonctionnement. Mais cette technique demandait encore certains perfectionnements. En effet, la repousse des neurones issus du greffon ne se faisait pas toujours correctement. Soit peu survivaient, soit peu se reconnectaient aux autres zones du cerveau. Une étude récente apporte des éléments encourageants pour l’avenir de cette technique.
Utilisant un nouveau protocole expérimental, Afsaneh Gaillard et son équipe du Laboratoire de neurosciences expérimentales et cliniques, (Université de Poitiers, Inserm U1084) avaient déjà montré qu’on pouvait réparer certaines régions lésées du cortex visuel chez la souris, à partir de tissus fœtaux ou de cellules souches embryonnaires cultivées in vitro. Cette transplantation a permis la création de nouvelles connexions, avec des neurones fonctionnels pouvant répondre à un flash lumineux.
Fait nouveau, les résultats de cette étude montrent que l’introduction d’un délai d’une semaine après la lésion permet d’atteindre la meilleure efficacité alors qu’on pensait jusqu’ici qu’il fallait pratiquer la greffe le plus tôt possible après la lésion pour maximiser les chances de succès. Deux chercheurs du LabEx CORTEX, Florence Wianny (SBRI) et Edmund A. Derrington (institut Neuromyogène) commentent ces résultats.
Quelle est la nouveauté de cette étude ?
Il a longtemps été considéré impossible pour des neurones greffés de se reconnecter aux mêmes zones du cerveau que les neurones endommagés. L’innovation apportée par l’équipe d’Afsaneh Gaillard depuis une décennie montre que les neurones pourraient effectivement s’intégrer dans les réseaux neuronaux existants. Cela pourrait donc contribuer positivement à rétablir la ou les fonctions lésées. Le fait qu’un délai puisse être profitable avait déjà été suggéré auparavant. Grâce à cette étude, on sait désormais quelle est la meilleure période pour optimiser l’incorporation du greffon avec la meilleure vascularisation, la meilleure connexion à notre système sanguin. L’avancée ici repose sur la technique médicale utilisée qui permet de voir les cellules greffées et les nouveaux branchements dans le cerveau. La procédure consiste à greffer des cellules marquées avec une protéine fluorescente permettant ainsi de rendre visibles leurs prolongements ultérieurs. Cela permet aux chercheurs de mieux comprendre les phénomènes mis en œuvre au cours d’une greffe neuronale.
Comment fabrique-t-on un greffon ?
La question de l’origine du greffon est importante car l’« identité » des neurones doit correspondre à celle de la zone de greffe. On fait, par exemple, pousser des neurones visuels pour les implanter dans le cortex visuel primaire. Le greffon peut avoir deux origines : des cellules en provenance de don (fœtus humains) ou des neurones provenant du receveur lui-même par reprogrammation de ses propres cellules (autogreffe de cellules souches pluripotentes induites ou « iPS »).
Chacune de ces solutions a ses avantages et ses inconvénients. L’utilisation de cellules iPS permet de réduire le risque d’un rejet de greffe. Mais actuellement, il faut plusieurs semaines pour produire une autogreffe. C’est le délai nécessaire pour permettre la production de cellules iPS et obtenir un type de neurone ciblé. Il est donc trop important si l’on veut respecter le délai d’une semaine qui maximise les chances de succès de la greffe. Ce qui donne un avantage certain au greffon en provenance de cellules de fœtus. Cependant, le greffon isolé à partir de fœtus est très hétérogène : il est constitué de neurones, de cellules qui forment l’environnement des neurones (cellules gliales) et des protéines permettant la multiplication des cellules (facteurs de croissance). Sa composition est variable et donc difficilement contrôlable. En outre, cette solution pose des problèmes éthiques.
Sommes-nous prêts à utiliser cette technique chez des patients ?
Non, il faut encore un peu de patience. Les résultats dont nous parlons sont issus d’expérience menées chez la souris. Celles-ci possèdent un cerveau différent de celui des primates. Il n’est pas envisageable pour le moment de transposer directement ces résultats chez l’humain. Il serait pertinent à l’avenir d’étudier ce phénomène sur un modèle animal se rapprochant davantage de notre cerveau et dont les correspondances entre les espèces se maintiennent.
Autre limite, le greffon a permis de « réparer » le câblage neuronal d’une région du système visuel de la souris située à la surface externe du cerveau. Il se pourrait que, dans le cas de lésions plus profondes, les résultats soient différents. Enfin, un problème demeure : utiliser un greffon contenant des cellules souches résiduelles comporte un risque de développer des tumeurs. Même si à ce jour aucun résultat dans ce sens n’a été observé, le sujet est important.
Certaines recherches se sont attaquées à ces problèmes. Ainsi des programmes de recherche européens ont été lancés pour étudier l’impact des greffes de neurones réalisées chez des patients parkinsoniens.
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> Greffe de neurones : une question de timing (sur le site de l’Inserm)