Covid-19 : le virus pourrait-il envahir le système nerveux ?


Une étude récente suggère que le coronavirus à l’origine du Covid-19 pourrait infecter le système nerveux central comme d’autres coronavirus. Nous avons demandé à Perrine Seguin, médecin et doctorante au CRNL, de la commenter. Elle reviendra régulièrement pour nous sur l’avancée des recherches sur le sujet.

8 avril 2020

Si la détresse respiratoire est le symptôme le plus caractéristique des personnes atteintes par le Covid-19, on constate parfois aussi des manifestations pouvant être associées à des atteintes neurologiques : maux de tête, nausées, vomissement, mais aussi perte d’odorat (anosmie) et de goût. Cela pourrait-il signifier que le coronavirus responsable du Covid-19 est capable d’envahir le système nerveux central ? C’est la question que pose Yan-Chao Li, chercheur à l’université de Jilin (Chine), dans un article publié récemment dans The Journal of Medical Virology.

Des études réalisées à l’époque du premier SARS-CoV avaient mis en évidence la présence du virus dans le cerveau de patients décédés.

Pour appuyer son hypothèse, le scientifique se réfère aux précédents coronavirus émergents ayant provoqué des épidémies mortelles : le SARS-CoV (en 2003) et le MERS-CoV (en 2012). Il souligne que le SARS-CoV2, responsable de la pandémie actuelle, est très proche sur le plan structurel de ses prédécesseurs. Or des études réalisées à l’époque avaient mis en évidence la présence du virus dans le cerveau de patients décédés et d’animaux de laboratoires. Notamment, dans le tronc cérébral, qui commande la respiration. De là à imaginer que le potentiel neuroinvasif des coronavirus pourrait jouer un rôle dans les troubles respiratoires des patients atteints…

Que penser de ces symptômes cliniques ? Pour Perrine Seguin, médecin et chercheur au CRNL, ils ne sont pas suffisants pour caractériser une atteinte neurologique : « Beaucoup d’infections peuvent donner des symptômes de ce type, répond-elle. Quant à l’anosmie, elle n’est pas nécessairement due à une altération du nerf olfactif. Elle est plus souvent provoquée par une inflammation des muqueuses. Cependant il est vrai que l’anosmie dans le cadre du SARS-Cov2 s’avère particulièrement marquée par rapport à d’autres affections virales. En outre, elle peut apparaitre sans signes de congestion nasale. Ces caractéristiques, ainsi que la forte augmentation ces dernières semaines du nombre de cas d’anosmie isolées, ont amené la société d’ORL à considérer le diagnostic de Covid-19 comme vraisemblable devant une anosmie d’apparition brutale, même en l’absence d’autres symptômes. »

Il semblerait que les précédents coronavirus étaient capables d’utiliser des voies synaptiques.

Si le virus était capable d’envahir le système nerveux, par où entrerait-il ? Nerfs des poumons, nerf olfactif ? A ce jour, on ne le sait pas avec précision. Il semblerait que les précédents coronavirus étaient capables d’utiliser des voies synaptiques. En effet, on les trouvait uniquement dans des neurones, et pas dans les autres cellules qui composent le système nerveux. Sans d’ailleurs que cela provoque toujours des symptômes neurologiques. « Sur les virus précédents, on a montré que le système nerveux était capable de désactiver une protéine du virus et de réduire sa virulence, ce qui explique que chez la très grande majorité des patients il n’y avait pas ou peu de symptômes neurologiques, note Perrine Seguin. C’est une piste qui pourrait avoir un intérêt thérapeutique. » D’autres questions surgissent : quel pourrait être l’impact d’une contamination du système nerveux – même sans symptômes – sur la survenue à long terme de maladies neurodégénératives ? Là encore, la question n’a pas été résolue pour les précédents coronavirus.

Il est important de noter qu’à ce jour, on ne rapporte pas de cas d’observation directe du SARS-Cov2 dans le tronc cérébral des malades, comme ce fut le cas lors des précédentes épidémies. « On relève pour l’instant un seul cas douteux, à Détroit, aux États-Unis, relève Perrine Seguin : celui d’une patiente qui a fait une encéphalopathie nécrosante, affection habituellement liée à d’autres virus comme celui de l’herpès. Cependant l’hypothèse qui prédomine actuellement est que ces encéphalites sont plutôt liées à un état inflammatoire généralisé, et pas forcément à la présence directe du virus dans le système nerveux. » On en est donc encore au stade des hypothèses. Pour les vérifier, la première étape consiste à recueillir de nouvelles données, particulièrement en cherchant la présence du virus dans les structures nerveuses de patients décédés.

Chercheur(s)

Perrine Seguin

Médecin en médecine physique et de réadaptation au CHU de Saint-Etienne et doctorante au sein de l'équipe Dycog de Centre de recherche en neuroscience de Lyon (CRNL).

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Perrine Seguin

Laboratoire

Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL)

Le CNRL rassemble 14 équipes pluridisciplinaires appartenant à l’Inserm, au CNRS et à l’Université Lyon. Elles travaillent sur le substrat neuronal et moléculaire des fonctions cérébrales, des processus sensoriels et moteurs jusqu'à la cognition. L’objectif est de relier les différents niveaux de compréhension du cerveau et de renforcer les échanges entre avancées conceptuelles fondamentales et défis cliniques.

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