Épilepsie : les avancées de la recherche sur une maladie mystérieuse



Du 16 au 19 octobre 2018 se tiennent à Lyon les Journées françaises de l’épilepsie. Ce rendez-vous rassemble les meilleurs spécialistes de cette maladie qui affecte près de 600 000 personnes en France. Bien que la recherche ait réalisé des progrès importants depuis une quinzaine d’années, les mécanismes de l’épilepsie restent mystérieux. Tour d’horizon avec le Dr Sylvain Rheims, neurologue et chercheur en neurosciences.

Les Grecs l’appelaient « mal sacré », une tablette babylonienne datant de vingt siècles avant notre ère, conservée au British Museum, en décrit les symptômes avec précision. Bien qu’elle soit connue depuis l’Antiquité, l’épilepsie reste une maladie mystérieuse. Ses manifestations spectaculaires – les fameuses crises – n’ont cessé d’intriguer et d’effrayer les bien-portants, suscitant pendant longtemps des interprétations surnaturelles et entraînant un rejet de ceux qui en souffraient. Ce n’est qu’au XIXe siècle, avec le développement de la neurologie, qu’elle a été considérée comme un dérèglement cérébral.

On recense une cinquantaine de syndromes épileptique, c’est pourquoi il vaut mieux parler des épilepsies.

Aujourd’hui, l’épilepsie affecte près de 600 000 personnes en France, dont la moitié sont des enfants et des adolescents. Elle constitue la troisième maladie neurologique la plus fréquente, derrière les migraines et les démences. Elle est généralement associée à des crises avec convulsions, perte de conscience, rigidité des muscles, etc. « En réalité, l’épilepsie se caractérise par de nombreux autres symptômes, souligne le Dr Sylvain Rheims, chef du service Neurologie fonctionnelle et épilepsie à l’Hôpital neurologique de Lyon et chercheur au CRNL. En outre, elle peut être accompagnée de troubles cognitifs et psychiatriques. » On recense ainsi une cinquantaine de syndromes épileptiques, définis en fonction de l’âge d’apparition des symptômes, du tableau clinique ou des causes sous-jacentes. C’est pourquoi on préfère parler d’épilepsies au pluriel. Qu’ils concernent des enfants ou des adultes, ces troubles ont souvent un impact important sur la qualité de vie des malades.

Le point commun de ces syndromes épileptiques ? « Une excitation synchronisée et anormale d’un groupe de neurones plus ou moins étendu du cortex cérébral, qui peut secondairement se propager à – ou faire dysfonctionner – d’autres zones du cerveau » (définition de l’Inserm). Cette excitation se traduit par une activité électrique intense – une sorte de court-circuit – qui engendre les symptômes de la crise.

Une grande variété de symptômes

La manifestation la plus typique de l’épilepsie est la crise épileptique, dont on distingue deux types : la crise généralisée et la crise focale. La première est due à l’excitation et à la synchronisation de neurones issus de zones situées dans les deux hémisphères cérébraux. Elle se traduit par une perte de conscience passagère, des contractions et/ou des secousses musculaires ou, au contraire, par une absence de tonus musculaire. La crise focale, ou partielle, se traduit par des symptômes qui dépendent de la région cérébrale impliquée : fourmillements dans les doigts, hallucinations auditives ou visuelles, mais aussi troubles du langage, rires ou expression de peur, douleurs… L’hyperexcitation de la crise focale peut se propager et engendrer une crise généralisée. Mais l’épilepsie peut être associée à d’autres manifestations : troubles cognitifs (mémoire, langage, attention…), troubles de l’humeur (dépression) ou encore troubles du comportement.

Chez l’enfant et l’adolescent, les crises à répétition peuvent engendrer des troubles neuropsychologiques et neurodéveloppementaux.

L'épilepsie chez l'enfant, Conseils de vie au quotidien, Stéphane Auvin et Soline Roy.

L’épilepsie chez l’enfant, Conseils de vie au quotidien, Stéphane Auvin et Soline Roy.

Chez l’enfant, l’épilepsie peut prendre des formes particulières, l’âge auquel la maladie apparaît déterminant souvent le type du syndrome. Une des plus fréquentes est l’épilepsie-absence, qui survient généralement entre 5 et 7 ans, majoritairement chez les filles. Elle se manifeste par des absences de quelques dizaines de secondes et s’accompagne de discrètes manifestations motrices. Ces crises peuvent se répéter de nombreuses fois au cours d’une même journée. Le syndrome disparaît le plus souvent à l’adolescence ou chez le jeune adulte. Il existe aussi des formes d’épilepsie infantile plus graves, comme les syndromes de West, de Dravet ou de Lennox-Gastaut.  Chez l’enfant et l’adolescent, les crises à répétition peuvent engendrer des troubles neuropsychologiques et neurodéveloppementaux parfois sévères.

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Des causes multiples

« Il n’est pas toujours facile d’identifier l’origine des épilepsies, car elle est largement multifactorielle », précise Sylvain Rheims. La maladie peut en effet être liée à des facteurs génétiques, des facteurs environnementaux, des maladies métaboliques ou des lésions du cerveau, comme un traumatisme crânien, un AVC ou une tumeur. A ce jour, on sait que deux tiers des épilepsies présentent une composante génétique. Lorsqu’aucune cause n’a pu être identifiée avec certitude, on parle d’épilepsie cryptogénique.

Importance du diagnostic

« Il s’agit d’abord de distinguer crise accidentelle et épilepsie chronique »

Le diagnostic se fait en plusieurs étapes. « Il s’agit d’abord de distinguer crise accidentelle et épilepsie chronique », indique Sylvain Rheims. Une crise isolée n’est habituellement pas suffisante pour parler d’épilepsie. En effet, celle-ci peut se produire à la suite d’une anomalie métabolique (hypoglycémie, par exemple), de la prise d’un médicament (comme un neuroleptique) ou de l’exposition à un toxique (tel le monoxyde de carbone). L’hypothèse d’une épilepsie peut être envisagée à partir du moment où l’on a constaté au moins deux crises non provoquées par un facteur déclenchant et espacées de plus de 24 heures. On peut alors pratiquer plusieurs examens pour affiner le diagnostic.

  • L’examen clinique et le bilan biologique : ils permettent d’écarter les crises épisodiques liées à un facteur précipitant aigu (désordre métabolique, auto-immun ou génétique).
  • L’électroencéphalogramme (EEG) : il est essentiel pour le diagnostic et le suivi la maladie. L’examen consiste à enregistrer l’activité électrique cérébrale grâce à des électrodes posées sur la tête du patient. En analysant les caractéristiques des anomalies enregistrées entre les crises, on peut alors caractériser le syndrome épileptique et/ou à localiser la zone épileptogène.
  • L’imagerie par résonance magnétique (IRM) : elle est utilisée pour éliminer une cause tumorale ou hémorragique, ou encore pour rechercher une lésion cérébrale à l’origine des crises.

 Les traitements disponibles

On dispose aujourd’hui d’une vingtaine de médicaments antiépileptiques. Ils permettent de corriger les altérations de la transmission synaptique et de limiter la propagation des crises. Grâce à ces traitements, la maladie peut être contrôlée chez 60 à 70% des patients. Mais pour les autres, dits pharmacorésistants, la seule solution thérapeutique consiste à retirer la zone du cerveau à l’origine des crises. « Encore faut-il que celle-ci soit suffisamment éloignée des régions hautement fonctionnelles, impliquées dans le langage, la mémoire ou la motricité, avertit le Dr Sylvain Rheims. D’où l’importance de l’évaluation préchirurgicale pour ce type d’épilepsies. »

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Le service d’épileptologie de Lyon : l’un des plus réputés de France et d’Europe

Le service de neurologie fonctionnelle et d’épileptologie de l’hôpital neurologique de Lyon, dirigé par le Dr Sylvain Rheims, est spécialisé dans la prise en charge des patients souffrant d’épilepsie et dans les explorations fonctionnelles du cerveau et de la moelle épinière via la réalisation d’électroencéphalogrammes (EEG) et de potentiels évoqués (PE). C’est l’un des plus réputés en France et en Europe pour la prise en charge des épilepsies de l’adulte, et en particulier pour l’évaluation préchirurgicale des épilepsies les plus sévères.
> En savoir plus sur le service.

Les enjeux de la recherche

Depuis plusieurs années, une part importante de la recherche est consacrée à cerner la dimension génétique de l’épilepsie. Des avancées importantes ont été obtenues dans ce domaine. On sait aujourd’hui que certaines formes de la maladie sont associées à la transmission de mutations affectant un gène unique ou à l’apparition d’une mutation de novo, mais la plupart sont probablement d’origine polygénique. A ce jour, plus d’une centaine de gènes impliqués l’épilepsie ont été identifiés.

Comprendre comment se forme un réseau neuronal propice à la manifestation d’une crise.

Un autre champ de recherche porte sur l’élucidation des mécanismes sous-jacents de l’épilepsie : il s’agit de comprendre comment se forme un réseau neuronal propice à la manifestation d’une crise initiale puis à ses récidives (épileptogenèse) ou ce qui déclenche la crise (ictogenèse). D’autres questions se posent. « On ne connaît toujours pas le lien entre lésion et épilepsie, explique ainsi le Dr Sylvain Rheims. Beaucoup reste à faire également dans le domaine de la prise en charge des complications de l’épilepsie, certaines pouvant dans certains cas – rares heureusement – aboutir à la mort soudaine du patient. »

Les traitements

La recherche thérapeutique vise à proposer des molécules plus efficaces ou présentant moins d’effets secondaires. De nombreux essais cliniques sont en cours soit avec de molécules déjà utilisées dans d’autres maladies neurologiques, soit avec de nouvelles molécules ciblant les mécanismes d’action des antiépileptiques actuels. « Toutefois, ces médicaments n’agissent que sur les symptômes, souligne le Dr Sylvain Rheims : ils préviennent les crises mais n’en soignent pas la cause. Ce qui nous manque, ce sont des médicaments qui cibleraient le déclencheur. »

Logo JFE 2018 à LyonJournées françaises de l’épilepsie : une journée pour les associations

Les 21e Journées françaises de l’épilepsie se déroulent à Lyon du 16 au 19 octobre. Ce rendez-vous annuel rassemble les meilleurs spécialistes de cette maladie aux symptômes et aux causes multiples qui affecte près de 600 000 personnes en France. Au programme de ces journées : de l’enseignement (JEEP), des sessions dédiées aux paramédicaux et aux associations de patients, des ateliers et des communications libres. Parmi les thèmes abordés en plénière : la prise en charge des malformations corticales de développement, les troubles attentionnels dans l’épilepsie, la prévention des SUDEP (Sudden unexpected death in epilepsy) et l’organisation des soins en épileptologie. La journée du 19 octobre sera spécialement consacrée aux associations.
> Télécharger le programme des JFE 2018.

Cet article a été réalisé à partir du dossier publié par l’Inserm :
Épilepsie, un ensemble de maladies complexe, encore mal compris.

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Chercheur(s)

Sylvain Rheims

Chef du service Neurologie fonctionnelle et épilepsie à l’Hôpital neurologique de Lyon et coresponsable de l'équipe Tiger (recherche translationnelle et intégrative en épilepsie) au Centre de recherche en neuroscience de Lyon. Mène des travaux sur les dysfonctionnement cognitifs chez les enfants atteints d'épilepsie et sur les cas de mort subite inattendue (Sudep).

Voir sa page

Sylvain Rheims

Laboratoire

Centre de recherche en neurosciences de Lyon (CRNL)

Le CNRL rassemble 14 équipes pluridisciplinaires appartenant à l’Inserm, au CNRS et à l’Université Lyon. Elles travaillent sur le substrat neuronal et moléculaire des fonctions cérébrales, des processus sensoriels et moteurs jusqu'à la cognition. L’objectif est de relier les différents niveaux de compréhension du cerveau et de renforcer les échanges entre avancées conceptuelles fondamentales et défis cliniques.

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